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CLH : Y a-t-il une image sonore de l’EMIQ, comme une signature reconnaissable ?

Mathieu 1 : Il y a souvent beaucoup de monde, chacun avec son instrument, sans que ce soit décidé par un chef·fes. Ça crée une couleur sonore particulière, un peu indéterminée, qui dépend de qui est là ce jour-là. Le roulement des gens fait partie de l’identité sonore.

Matthieu 2 : Même quand ce ne sont pas les mêmes personnes, ça sonne toujours comme le même groupe. Il y a une façon de jouer dans l’EMIQ, une écoute partagée. Les gens savent comment s’intégrer.

Mathieu 1 : Il y a aussi une grande diversité de participant·es, certains viennent de la musique classique, d’autres de la pop, d’autres sont improvisateur·ices ou amateurs. Ça donne des textures variées, parfois très maîtrisées, parfois plus brutes ou lo-fi. Pour ma part, j’aime prendre une place plus discrète et me laisser porter par ce qui se passe autour.

CLH : Donc, est-ce que la pratique de l’EMIQ permet à chacun de se présenter avec ce qu’il a à offrir ?

Matthieu 2 : Oui, c’est les gens qui font l’EMIQ. Quand j’y pense, je pense d’abord à des personnes, des visages. On joue ensemble juste dans ce contexte-là. Et quand de nouvelles personnes arrivent, ça s’intègre aussi facilement, même si le roulement est lent – Québec, c’est un grand petit village.

CLH : Est-ce que l’envie d’expérimenter agit comme un désir moteur?

Mathieu 1 : Toujours. Même si ce n’est pas dit explicitement, on vient là pour essayer. Comme quand on a joué avec une partition visuelle projetée, sans l’avoir vue avant. Il fallait lire, improviser, suivre la direction de Rémi. Très expérimental et formatif.

Matthieu 2 : On vient tous les trois des arts visuels. On adore se donner des contraintes pour stimuler l’improvisation. Et l’on continue de le faire avec l’EMIQ. Moi, je ne joue presque jamais deux fois le même instrument. J’aime toucher à tout, c’est comme ça que j’expérimente.

CLH : L’EMIQ est-il un collectif gouverné par un chef·fes ?

Vincent : Dans un grand groupe, c’est dur sans personne pour nous guider. Quelqu’un comme Rémi, aide beaucoup avec ses interventions. Il est instigateur du projet, mais la direction de celui-ci reste libre et ouverte.

Matthieu 2 : Quand il dirige, on sent qu’il cherche quelque chose. Et c’est agréable de participer à cette recherche.

Mathieu 1 : Il connaît bien les différentes pratiques des gens présents. Même quand un autre prend la direction – comme toi l’autre jour – c’est intéressant. Les contraintes peuvent venir de partout.

CLH : Y a-t-il un son typique de Québec ? Une vibration particulière ?

Matthieu 2 : Pas vraiment. Ce n’est pas comme une grande ville avec un bruit constant. Il y a des différences selon les quartiers.

Mathieu 1 : Il y a quelques années, on disait que Québec était la ville du métal. Il y avait beaucoup de spectacles dans des petits bars. Ça a diminué un moment, puis ça revient grâce à des gens comme Rémi et d’autres petits collectifs.

CLH : Est-ce important que l’EMIQ existe à Québec ?

Matthieu 2 : Oui. Ça crée des ponts entre différents milieux artistiques. Sans ça, chacun reste dans sa bulle – la musique, la poésie, les arts visuels ne se croisent pas tant que ça.

Mathieu 1 : Ça attire aussi des gens avec des modes de vie alternatifs et peut-être moins ceux qui ont un rythme de vis plus métro-boulot-dodo. Et ça permet à ceux qui n’oseraient pas forcément se confronter à un gros public d’aussi participer.

CLH : Et le public ?

Matthieu 2 : C’est souvent nous-mêmes ! Et nos ami·e·es. Mais aux gros événements, il y a plus de monde. Il y a des gens de tous âges, des curieux·ses, des habitués ainsi que des gens du milieu.

CLH : Qu’est-ce que la liberté dans cette pratique ?

Mathieu 1 : La liberté, c’est de pouvoir venir ou pas. Il n’y a pas d’obligation, pas d’exclusion. Ça, c’est précieux.

Vincent : Et quand tu viens, tu peux juste écouter, manipuler un objet, lire un poème. Tu n’as pas besoin de „montrer“ que tu es libre. C’est une liberté partagée, pas démonstrative.

CLH : Si l’on devait supprimer un mot : composition, improvisation, ou concept ?

Matthieu 1 : Composition !

CLH : Qu’est-ce qui rassemble les improvisateur·ices ?

Matthieu 2 : Le plaisir de jouer, de vivre un moment. Même si l’on ne se parle pas beaucoup avant ou après, on partage quelque chose. Comme un rituel.

Vincent : C’est comme aller à l’église. Tu viens, tu joues, tu parles un peu, puis tu pars. C’est ça, le lien.

CLH : Qu’est-ce qui vous „sort“ du jeu ?

Mathieu 1 : Parfois, quand quelqu’un prend trop de place. Mais ce n’est pas forcément négatif. Il faut juste savoir laisser l’espace vivre. Accepter de ne pas toujours être au centre.
Vincent : Trop de volonté ou de contrôle peuvent briser l’écoute. Moi, j’aime quand les choses fragiles émergent. Des sons qui naissent à peine ou sont sur le point de mourir.

CLH : Avez-vous un son préféré en ce moment ?

Mathieu 1 : Ces temps-ci, juste gratter doucement une corde, répéter le geste. Comme une médita