
CLH : Quelle image sonore te vient à l’esprit quand tu penses au GGRIL? Tu reconnaîtrais un enregistrement par hasard?
Alexandre : Probablement, oui. Surtout à cause de l’instrumentation, qui est très variée et pas typique d’un orchestre ou d’un big band. Il y a une diversité de timbres qu’on reconnaît. Et comme je connais bien les membres, je pense que je pourrais identifier leurs voix sonores, même si c’est une construction collective. On entend la personnalité du groupe à travers les musicien·nes·nes.
CLH : Si je te faisais un blindfold test avec GGRIL, SuperMusique et Mick, tu saurais faire la différence?
Alexandre : Oui. Chacun a sa propre grammaire musicale. Je pense que la langue qu’on parle influence le phrasé. En français, on met souvent les accents ailleurs qu’en anglais, et ça transparaît dans la manière de jouer. Ça crée une sorte d’accent musical propre à notre ensemble.
CLH : Et cette grammaire sonore, elle vient aussi du lieu?
Alexandre : Oui, définitivement. À Rimouski, on n’a pas besoin de parler fort pour se faire entendre, comparé à Montréal où la scène est plus dense. Je pense que ça affecte notre manière de jouer. On peut prendre plus de place, mais tranquillement. On n’a pas besoin de s’imposer dans le bruit ambiant. Il y a quelque chose de saisonnier aussi, de très lié au territoire.
CLH : Comment tu décrirais l’approche artistique du GGRIL?
Alexandre : Il y a une tension entre le désir de jouer ensemble et la nécessité de construire des projets pour justifier notre réunion — pour les subventions, la logistique, etc. En improvisation, il nous faut presque un prétexte pour se rassembler, même si l’envie est là. C’est une tension constante entre spontanéité et organisation.
CLH : Est-ce que le GGRIL est un collectif?
Alexandre : C’est pas un collectif pur, mais c’est pas non plus une hiérarchie. Il y a des gens plus initiatif·ves, qui organisent, mais chacun·e garde sa liberté. C’est très horizontal, personne n’aime suivre aveuglément. On arrive avec ce qu’on a à offrir, et c’est accueilli comme ça.
CLH : Est-ce qu’il y a un son typique de Rimouski?
Alexandre : Oui, mais il est saisonnier. L’été, il y a du bruit — des festivals, du rock — c’est plus difficile d’improviser. L’hiver, c’est plus calme, plus silencieux, et ça permet une écoute différente. Ce silence-là, ça influence vraiment notre manière de faire de la musique.
CLH : Et la géographie?
Alexandre : Le fleuve, l’horizon. Ce n’est pas un son, mais c’est une sensation qui influence notre manière de jouer. Il y a plus de ciel ici, ça ouvre quelque chose dans notre écoute. C’est pas méditerranéen, mais il y a cette grandeur-là.
CLH : L’activité du GGRIL est-elle importante pour Rimouski?
Alexandre : Oui, je pense. Même les gens qui n’écoutent pas directement ressentent qu’il se passe quelque chose. Ça fait partie du tissu social. C’est une musique généreuse, qui ne s’impose pas, mais qui existe pour et avec le territoire.
CLH : L’audience de Rimouski est-elle particulière?
Alexandre : Oui. Elle est fidèle, curieux·ses et à l’écoute, même si elle est petite. Il y a des gens qui ne connaissaient pas du tout cette musique et qui viennent quand même, avec ouverture. C’est une belle qualité d’écoute.
CLH : Quel est le lien entre votre musique et la liberté?
Alexandre : C’est la liberté d’expression personnelle qui construit la liberté collective. On est libre de suivre ou pas les consignes. Chacun·e s’exprime à sa manière, et ça crée un ensemble. C’est pas une liberté imposée, mais partagée.
CLH : S’il fallait supprimer un des trois : composition, improvisation, concept — tu choisis quoi?
Alexandre : Le concept. Même si j’ai un fond en philo, je trouve que c’est le plus vague des trois. Composition et improvisation sont plus tangibles. Un concept, c’est plus flou. Supprimer ça, c’est peut-être paresseux, mais efficace.
CLH : Qu’est-ce qui unit les improvisateur·ices·ices et qu’est-ce qui les divise?
Alexandre : Ce qui nous unit, c’est de jouer ensemble. L’improvisation se construit en relation. Ce qui divise, c’est le manque d’espace ou d’occasions de se rencontrer. Quand on ne joue pas ensemble, on se déconnecte.
CLH : Ton bruit ou son favori?
Alexandre : Aujourd’hui, c’est le chant de la mésange. Ça annonce le printemps. C’est un son qui me suit depuis toujours.
CLH : Une note spéciale?
Alexandre : Ré. Ou ré dièse, selon les jours.
CLH : Un intervalle favori?
Alexandre : Une tierce mineure. Elle me touche.