
CLH : Est-ce qu’il y a une image sonore typique du SuperMusique. ? On pourrait reconnaître le son ?
Joane : C’est difficile à dire. L’ensemble, c’est beaucoup Danielle et moi – c’est nous qui choisissons les instrumentistes. Les projets sont variés, et comme c’est une formation à géométrie variable, ce ne sont jamais tout à fait les mêmes instrumentistes. Peut-être qu’on reconnaît certains sons individuels, mais il n’y a pas un son unifié de SuperMusique. Ce qui me manque parfois, c’est une fierté chez les musicien·nes d’être membre de l’ESM. Le sentiment d’appartenance est difficile à solidifier.
CLH : Qui décide qui fait partie de cette « pool » de musicien·nes ?
Joane : Danielle et moi. Parfois avec le ou la chef·fe d’un projet. Mais généralement, c’est nous qui choisissons, en fonction des besoins du projet. On adapte l’ensemble selon les envies du ou de la compositrice.
CLH : Tu dirais qu’il y a une identité artistique de SuperMusique ?
Joane : Oui, je dirais qu’il y a une attitude, une façon de faire. On travaille beaucoup en collaboration : chef·fe, compositeur·rice, interprètes ont des rôles équivalents. C’est plus long, mais ça donne une vraie liberté artistique.
CLH : Y a-t-il quand même un sentiment de communauté dans les moments de création ?
Joane : Oui, SuperMusique a contribué à créer une communauté autour de la musique improvisée à Montréal. On a été un vecteur important – avec mercredimusics, les Mardis Spaghetti, le GRRIL… Même si ça n’a pas créé un son commun, ça a renforcé les liens. Et on demande aux compositeur·rices de travailler avec cette communauté.
CLH : Y a-t-il un son typique de Montréal pour toi ?
Joane : Le moineau. Cet oiseau qui chante un peu mal. Chaque fois que je reviens à Montréal, je l’entends, c’est comme pour moi une signature sonore de la ville.
CLH : Et la géographie ou la société de Montréal, influencent-elles votre musique ?
Joane : Oui, absolument. Montréal a permis à cette musique d’exister – avec les soutiens publics, les loyers longtemps abordables. C’était possible d’y rester sans être riche. C’est en train de changer, mais ça a beaucoup compté.
CLH : Est-ce que votre activité est importante pour la ville ?
Joane : Je crois que oui, mais ce n’est pas vraiment reconnu. On n’est pas valorisé, on ne fait pas partie des références officielles de la culture québécoise. C’est un peu triste. À l’étranger, on est parfois plus connu qu’ici.
CLH : Le public à Montréal, est-il différent d’ailleurs ?
Joane : C’est un petit public, fidèle. Walter Boudreau disait qu’on a environ 5000 mélomanes à Montréal pour la musique contemporaine, électroacoustique, improvisée. C’est peu, et c’est un peu les mêmes qui vont à tous les concerts.
CLH : Y a-t-il un lien entre votre musique et la liberté ?
Joane : Oui. J’aime travailler en co-création, où les musicien·nes peuvent vraiment s’exprimer avec leur propre langage. En impro, on ne dit pas aux autres quoi faire. Mais il faut faire attention à ne pas écraser la liberté des autres. C’est un équilibre précieux.
CLH : S’il fallait supprimer un de ces trois termes : composition, concept, improvisation — ce serait lequel ?
Joane : Je garderais composition et improvisation. Je supprimerais le concept.
CLH : Qu’est-ce qui rassemble les improvisateur·rices — et qu’est-ce qui les divise ?
Joane : C’est comme dans la vie : on ne veut pas dîner avec tout le monde. On peut ne pas aimer improviser avec quelqu’un, puis ça peut changer. Il y a peu d’écoles distinctes à Montréal en ce moment, on est plutôt dans une grande vague commune. Et ça reste très instinctif.
CLH : Et ton son ou bruit préféré en ce moment ?
Joane : Les sons vocaux, les bruits de bouche. J’ai même fondé une chorale qui travaille avec ce type de sons.
CLH : Une note spéciale pour toi ?
Joane : Je joue du sax alto et je suis aussi altiste avec la voix. Tout ce qui est dans cette tessiture résonne avec moi.
CLH : Et un intervalle préféré ?
Joane : Le ton. J’aime beaucoup la grande seconde. J’adore quand deux voix ou instruments chantent à un ton de distance.