
CLH : Quelle est l’identité sonore du GGRIL ?
Isabelle : Pour moi, c’est une série d’heureux accidents : spontanés, mais aussi organisés. J’ai une approche visuelle du son, et j’imagine le GGRIL comme un cercle chromatique où certaines combinaisons sont éclatantes, d’autres plus mystérieuses. C’est un équilibre fragile entre chaos et structure.
CLH : Qu’est-ce qui différencie le GGRIL des autres ensembles d’improvisation ?
Isabelle : Je fais aussi partie de l’Ensemble de Musiques Improvisées de Québec et de SuperMusique à Montréal, et ce sont trois mondes très différents. Le GGRIL a acquis une grande maturité grâce à ses collaborations avec des compositeurs internationaux, mais il garde une liberté unique.
CLH : Quelle est la relation entre ton jeu et la liberté ?
Isabelle : Elle est immense. Quand je suis arrivée au GGRIL en 2018 avec ma harpe classique, j’étais timide, pas encore sûre de ma singularité. Mais le groupe m’a accueillie avec une ouverture totale, même si mon jeu était hésitant. On m’a encouragée à expérimenter, à proposer des installations sonores et des structures inédites. Ici, on essaie, on explore ensemble, et si ça ne marche pas aujourd’hui, ça marchera une autre fois.
CLH : Y a-t-il un son typique de Rimouski ?
Isabelle : Le fleuve. La glace qui se brise. Le froid qui fait mal. On entend le ressac des vagues, mais aussi ces mini icebergs qui se percutent. C’est un paysage sonore rude et fascinant.
CLH : La géographie influence-t-elle votre musique ?
Isabelle : Oui, même inconsciemment. On vit dans de grands espaces, et ça se reflète dans notre façon de jouer : on laisse de l’air, de la respiration entre les sons. Après une pause, on a souvent envie de tout jouer d’un coup, et on doit se rappeler qu’il faut de l’espace, comme dans nos paysages.
CLH : Le GGRIL a-t-il un impact sur les habitants de Rimouski ?
Isabelle : Oui, le public est fidèle. Ce n’est pas une musique facile, mais les gens reviennent, attirés par l’expérience plus que par un style précis. C’est une communauté qui s’est formée autour de cette musique, une sorte de fraternité où chacun trouve une forme de nourriture artistique.
CLH : Si tu devais supprimer un des trois termes – composition, improvisation, concept – lequel choisirais-tu ?
Isabelle : Composition.
CLH : Qu’est-ce qui unit et divise les improvisateurs ?
Isabelle : Ce qui unit, c’est l’envie de partager et d’écouter l’autre. L’improvisation fonctionne quand on s’adapte, pas quand on veut juste jouer. Ce qui divise, c’est parfois l’ego. On peut être trop dans sa tête et perdre le lien avec le collectif. Dans un grand groupe, il arrive qu’un geste paraisse déconnecté du reste. C’est temporaire, mais ça crée des moments de rupture.
CLH : Quel est ton son préféré en ce moment ?
Isabelle : Les basses fréquences. Plus c’est profond, abyssal, plus ça me parle. Je joue un instrument qui va très haut, mais je préfère ce qui vibre dans les profondeurs, comme si j’étais au fond de l’océan.