
CLH : C’est quoi la sonorité du GGRIL ?
Olivier : Un mélange entre rigueur et chaos. Il y a des virtuoses, mais aussi une énergie punk, bruitiste, un peu bordélique. C’est une désorganisation organisée, où chacun garde sa singularité. On ne filtre personne, c’est ça qui crée cette cohésion. On joue ensemble depuis longtemps, on se comprend vite. On a travaillé avec plein de compositeurs, donc on peut aller dans toutes les directions. Mais au fond, c’est une couture défaite : précis et indiscipliné à la fois.
CLH : Le GGRIL, c’est un collectif ? Une communauté ? Une religion ? Il y a un chef·fes ?
Olivier : Il n’y a pas de chef·fes officiel, mais un directeur artistique. On veut garder une structure anarchique, dans le bon sens du terme. Mais il y a quand même une personne qui prend plus de décisions que les autres.
CLH : Et les décisions artistiques, elles viennent de l’orchestre ?
Olivier : Avant, oui. Avant 2016, on décidait ensemble. Puis, avec l’arrivée des compositeurs invités et des subventions, ce sont eux qui ont pris les décisions. Aujourd’hui, on joue surtout leurs œuvres. On est devenus plus interprète·s que créateur·ices collectifs. Mais comme il y a moins de subventions qu’avant, l’avenir du GGRIL est un peu flou.
CLH : Donc il y a moins de place pour votre propre travail artistique ?
Olivier : Oui. Moi, je suis pour qu’on compose plus nous-mêmes. On avait commencé un projet, Le Grill par lui-même, avec six compositeurs du collectif. On attend toujours le financement pour la suite. J’aimerais aussi qu’on improvise davantage, juste entre nous. On en est capables, on se connaît bien, ça marcherait. Mais sans argent, c’est compliqué. Pourtant, les projets sans subventions ont parfois plus d’authenticité, parce que ceux qui restent sont là par passion.
CLH : À Rimouski, il y a un son particulier ?
Olivier : Oui. Il y a beaucoup de musicien·nes formés ici, dans tous les styles. C’est une petite ville, mais il y a de l’espace, des maisons où on peut jouer. On a la chance d’être proches, de pratiquer ensemble. La musique spontanée, d’habitude, c’est un truc de grandes villes. Ici, ça crée une dimension plus humaine.
CLH : Tu crois que la géographie influence la musique ?
Olivier : Oui. L’horizon, le fleuve, ça joue. Et puis, socialement, les gens ont plus d’espace, des maisons où on peut se retrouver pour jouer. On n’est pas coincés par le manque de place.
CLH : Et le son de Rimouski, c’est quoi ?
Olivier : Le train qui traverse la ville sans raison. Il bloque tout, on l’entend partout. C’est un bruit important.
CLH : Un bruit de passage ?
Olivier : Oui. Comme les déneigeuses la nuit. C’est une ambiance sonore bien à nous.
CLH : Le GGRIL, ça marque la ville ? C’est important pour Rimouski ?
Olivier : Non, c’est très marginal. Les gens savent qu’on existe, mais sans vraiment comprendre ce qu’on fait. Ils sont surpris quand on dit qu’on joue en Europe. Ils se disent “Ah, vous devez être bons !”, mais ils n’ont jamais écouté. C’est un petit monde à part.
CLH : Et le public ici, il est différent des autres villes ?
Olivier : Un peu plus varié peut-être. À Rimouski, 30 ou 40 personnes, c’est un bon public. À Montréal, c’est pareil. À Toronto, peut-être un peu moins. Mais ça tourne souvent autour des mêmes personnes. Il y en a qui viennent une fois et qui ne reviennent pas. C’est normal.
CLH : La liberté, c’est important pour vous ?
Olivier : Oui, essentiel. C’est même dans notre nom : GGRIL → Grand Groupe d’Improvisation Libérée. J’aimerais qu’on mélange plus souvent composition et liberté pure. L’improvisation permet d’être dans l’instant, c’est ça qui est fort.
CLH : Si tu devais supprimer un de ces trois mots : composition, improvisation, concept – lequel tu choisirais ?
Olivier : Composition.
CLH : Qu’est-ce qui unit les improvisateur·ices du GGRIL? Et qu’est-ce qui peut les diviser ?
Olivier : On est assez unis, c’est surprenant. Ce qui nous divise, c’est surtout des questions de volume : si quelqu’un joue trop fort, par exemple. Mais en général, on fonctionne par consensus. Si une idée marche, on la garde naturellement.
CLH : Question plus légère : quel est ton bruit favori ?
Olivier : En ce moment, j’aime bien la guitare préparée, avec des objets entre les cordes, comme un cure-dent. Ça donne un son intéressant.
CLH : Une technique particulière ?
Olivier : Non, juste un cure-dent coincé dans les cordes. Ça change la résonance. J’aime aussi les effets momentanés, ceux qui s’arrêtent dès qu’on relâche le bouton. Mais pas trop, juste en micro-doses.
CLH : Il faut doser, comme une drogue ?
Olivier : Exactement.
CLH : Une note plus importante que les autres pour toi ?
Olivier : Le mi. Parce que c’est la première et la dernière corde à vide. C’est un repère.
CLH : Un intervalle préféré ?
Olivier : Non, mais j’aime bien changer d’accordage. Ça ouvre d’autres possibilités.
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