
CLH : Y a-t-il une identité sonore propre au GGRIL ?
Pascal : Oui, dans la diversité des timbres et la réactivité du groupe. Grâce aux années passées ensemble et aux collaborations avec des compositeurs extérieurs, on a développé une grande palette sonore. On peut jouer très doucement, ce qui est rare dans un grand ensemble d’improvisation. Nos interactions sont souvent imperceptibles pour le public, mais elles modifient profondément la musique. Le GGRIL n’a pas une seule identité sonore, mais plutôt une multitude d’approches.
CLH : Le GGRIL est-il un collectif ? Y a-t-il un chef·fes ?
Pascal : Le leadership varie avec le temps. Éric Normand a joué un rôle central depuis le début, notamment dans l’organisation des concerts et des collaborations. Aujourd’hui, certaines responsabilités sont partagées et rémunérées. Avant, on répétait tous les mois, ce qui renforçait l’aspect communautaire. Maintenant, c’est plus sporadique, et l’énergie du collectif dépend de l’investissement de chacun.
CLH : Y a-t-il un son typique de Rimouski ?
Pascal : Difficile à dire, je ne suis pas d’ici. Mais le son du GGRIL est lié à celui de Rimouski. Comme la scène musicale est plus restreinte qu’à Berlin ou Cologne, chaque voix est forte et identifiable. C’est un son éclectique, unifié par sa diversité.
CLH : Le GGRIL est-il influencé par son environnement ?
Pascal : Oui, totalement. Il attire un public varié, pas forcément musicien·nes, mais curieux·ses. Le groupe s’inscrit profondément dans la ville. D’ailleurs, son nom le reflète : Grand Groupe Régional d’Improvisation Libérée. Le GGRIL se revendique comme un ensemble issu des régions, avec une identité forte qui résonne au Québec et même à l’international.
CLH : Les petits publics sont parfois plus ouverts aux expérimentations…
Pascal : Exactement. Dans une grande ville, le public s’attend à un style précis. Ici, les gens viennent par curiosité, sans attentes figées. Ils écoutent, réagissent librement, sans chercher à analyser la musique à travers un prisme académique.
CLH : Quel est le lien entre le GGRIL et la liberté ?
Pascal : Pour moi, c’était une vraie libération. Je viens du classique et du jazz, et l’improvisation expérimentale m’a ouvert un monde nouveau. Quand j’ai découvert cette musique, je pensais qu’elle était réservée aux Européens. Jouer avec le GGRIL m’a montré que je pouvais en faire partie. La liberté, c’est aussi pouvoir repenser son instrument.
CLH : Si tu devais supprimer un des trois termes – composition, improvisation, concept – lequel choisirais-tu ?
Pascal : Composition. Parce que dans un bon concept, il y a déjà de la composition.
CLH : Qu’est-ce qui unit et divise les improvisateur·ices ?
Pascal : L’habitude de jouer ensemble nous unit. Mais le quotidien nous éloigne : le travail, la distance, les contraintes. Pourtant, même la division peut être un moteur de cohésion. Quand quelqu’un brise une structure, ça force le groupe à s’adapter et à créer ensemble.
CLH : Quel est ton son préféré ?
Pascal : Quelque chose de grave et dense, comme dans le métal ou certaines musiques électroacoustiques.
CLH : Une note particulière ?
Pascal : Pas vraiment, mais j’aime la sixte mineure.