Thomas Gauthier-Lang

CLH : Est-ce qu’il y a une sonorité typique dans l’improvisation de Bakarlari ?

Thomas : Je dirais qu’il y a des gestes, des sons qu’on aime et qu’on ramène dans différents contextes. Ce sont des éléments qui reflètent ce qu’on écoute, notre bagage personnel.

CLH : Tu penses que cette approche est propre à Bakarlari, ou plus généralement aux musicien·nes de musique contemporaine qui improvisent ?

Thomas : Je ne crois pas que cette approche est propre à Bakarlari, mais je crois qu’il y a différentes approches dépendant du contexte. Par exemple, je me souviens d’une analogie que Lori Freedman m’a partagée suite à un duo qu’on a fait; elle me disait qu’une première rencontre entre deux improvisateur·ices ressemblent souvent à un magasin de tissus – on se montre nos tissus et on charge des agencements.

CLH : Et au sein du groupe, y a-t-il un leader ou une hiérarchie ?

Thomas : Non, pas du tout. Il n’y a pas de chef·fes désigné. Le leadership passe dans les regards, la respiration, les sons. Il y a un échange de leadership, mais ce n’est pas planifié. C’est très organique.

CLH : Pour toi, y a-t-il un son typique de Montréal ?

Thomas : Oui, le son de la neige très froide qui crounch sous les bottes. Les montagnes de neige qui coupent la résonance; ça créer une sorte de silence,

CLH : Tu crois que cette géographie, ce paysage, influence votre musique ?

Thomas : Oui, même inconsciemment. On est le résultat de ce qu’on entend tous les jours, même si on ne le réalise pas.

CLH : Et tu dirais que votre activité musicale est importante pour la ville ?

Thomas : J’ai mis du temps à le voir, mais oui. À travers mon enseignement, mes propositions de création et d’écoute, je pense que je contribue à quelque chose ici.

CLH : L’audience ici est-elle différente de celle d’ailleurs ?

Thomas : Oui. Je sens toujours une chaleur accueillante provenant de notre communauté ici. J’ai aussi envie de croire qu’un audience n’est pas monolithique.

CLH : Est-ce que tu vois un lien entre improvisation et liberté ?

Thomas : Oui, mais pas comme un grand vide de liberté totale. Mon langage improvisé, c’est un tiroir pêle-mêle. Et la liberté se trouve dans les interstices entre les éléments. Il y a une tension entre stratégie et lâcher-prise, entre ce qu’on prépare et ce qu’on laisse arriver.

CLH : Si tu devais supprimer un des trois termes – composition, concept ou improvisation – lequel ?

Thomas : Peut-être « composition ». C’est celui qui m’inspire le moins dans ce contexte-là.

CLH : Qu’est-ce qui rassemble les improvisateur·ices ?

Thomas : Le fait de se retrouver dans une forme de chaos et d’essayer d’en faire quelque chose de beau ensemble. C’est aussi très intime d’entendre les sons que l’autre aime. On accède à une part profonde de l’autre.

CLH : Et ce qui les divise ?

Thomas : Les absolus. Quand on commence à dire « ça, c’est de l’impro » ou « ça, ça n’en est pas », ça peut créer des divisions. Il faut rester ouvert.

CLH : Ton son préféré ?

Thomas : Le clac-clac des talons hauts sur le marbre. C’est puissant, statuaire.

CLH : Une note spéciale pour toi ?

Thomas : Non. Toutes les notes ont leur place, leur valeur.

CLH : Un intervalle favori ?

Thomas : Les octaves. J’aime les grands sauts. Quand je compose, je commence souvent avec des octaves. C’est une manière de créer un espace dans la mélodie; il y a tellement de possibilités à l’intérieur des octaves.

Émilie Fortin

https://www.emfortin.com/

CLH : Tu penses qu’on pourrait reconnaître Bakarlari à l’écoute ?

Émilie : On reconnaîtrait les solistes, c’est sûr, parce qu’ils ont chacun une voix très forte. Mais en tant qu’ensemble, je ne crois pas encore qu’on ait une signature sonore unifiée.

CLH : Et l’organisation ? C’est un collectif ?

Émilie : C’est moi qui assure la direction artistique, donc j’ai le mot final, mais les idées de tout le monde sont bienvenues. C’est un ensemble de solistes à géométrie variable : les musicien·nes changent selon les projets.

CLH : Y a-t-il un son typique de Montréal pour toi ?

Émilie : Montréal, c’est très expérimental, très électroacoustique aussi. Il y a une vraie diversité. C’est une ville où chacun peut trouver sa scène. C’est plus libre que Toronto ou plus vivant que New York, à mon avis.

CLH : Et cette géographie, cette ambiance, influence votre pratique ?

Émilie : Oui. Montréal attire beaucoup de gens, c’est là que les liens se tissent. Pour moi, c’était « the dream » en arrivant de ma petite ville. On sent vraiment que tout se passe ici.

CLH : Est-ce que Bakarlari est important pour Montréal ?

Émilie : J’ose croire que oui. On est, à ma connaissance, le seul collectif de solistes. L’idée, c’est de donner de l’espace à l’individu, à la co-création avec les compositeurs. Pas juste jouer une pièce, mais vraiment faire un travail de fond, profond, sur l’instrument et la personnalité musicale.

CLH : Et l’identité artistique du groupe ?

Émilie : C’est justement ce mélange entre solo, improvisation, et une mise en scène très réfléchie. On ne fait pas juste une suite de solos comme dans un récital. On crée une expérience : il peut y avoir de la lumière, du visuel, des transitions sans pause, un thème qui relie tout.

CLH : L’audience à Montréal, elle est comment ?

Émilie : Très curieux·ses, mais constituée souvent de musicien·nes. Ici, chaque discipline va voir sa propre scène. Mais il y a un bon croisement entre les scènes contemporaines et improvisées. Et des séries régulières comme Mardi Spaghetti ou Mercredi Musique permettent à une communauté de se développer, souvent plus noise ou DIY que classique.

CLH : Tu dirais que c’est différent d’autres villes ?

Émilie : Oui, Montréal c’est petit, très communautaire. On croise souvent les mêmes personnes. C’est un cercle tissé serré.

CLH : Et le lien entre improvisation et liberté ?

Émilie : La liberté, c’est être soi, se montrer tel qu’on est. En impro, chaque fois c’est une nouvelle rencontre. C’est un espace pour s’exprimer sans se censurer.

CLH : Si tu devais supprimer un des trois termes : composition, concept, improvisation ?

Émilie : J’hésite entre composition et improvisation. Parfois, je trouve que certaines compositions contemporaines sont trop complexes pour être partagées. À l’inverse, l’impro peut être un vrai espace de co-création. Donc, peut-être que je retirerais la composition… mais c’est dur !

CLH : Qu’est-ce qui rassemble les improvisateur·ices ?

Émilie : Le plaisir, le jeu, retrouver une liberté presque enfantine. Ce qui divise ? L’ego. Quand quelqu’un ne laisse pas d’espace aux autres, qu’il n’écoute pas. L’écoute, c’est central.

CLH : Ton son favori ?

Émilie : Le son de de la lame des patins sur la glace.

CLH : Une note spéciale ?

Émilie : Le ré grave à la trompette. Il me donne beaucoup de latitude. Je peux vraiment jouer avec les quarts de tons.

CLH : Un intervalle préféré ?

Émilie : Les septièmes. Surtout mineures, mais ça dépend du contexte.

Marilène Provencher-Leduc

https://marileneprovencherleduc.com

CLH : Marilène, quelle sonorité est typique pour les improvisations de Bakarlari ?

Marilène : Récemment, on a beaucoup exploré les espaces réverbérants, comme les chapelles. Quelque chose de lourd, large, dans la durée. Et pas mal d’électronique aussi. Mais ça dépend vraiment des projets.

CLH : Et pour l’improvisation en groupe, vous avez une approche particulière ?

Marilène : On travaille souvent avec des compositeur·ices qui écrivent des parties solo, et ensuite on improvise en groupe. Mais c’est encore nouveau pour nous. On est plus habitué·es à la musique écrite. L’impro, on apprend à le faire ensemble. Il n’y a pas encore une seule direction. Emilie serait mieux placée pour en parler, c’est elle qui dirige surtout.

CLH : Et dans la musique, il y a une hiérarchie ?

Marilène : Non, pas du tout. Dans la musique, c’est égal. Pas de chef·fes.

CLH : Y a-t-il un son qui, pour toi, est typique de Montréal ?

Marilène : Le silence après une tempête de neige. Tout est absorbé. Il n’y a plus de réverb. On se sent vraiment québécois dans ces moments-là.

CLH : Est-ce que la géographie influence votre musique ?

Marilène : Oui. La nordicité, le Nord, la noirceur, le temps qui s’étire… tout ça influence notre écoute, notre rapport aux sons, et aux autres aussi.

CLH : Est-ce que l’activité de Bakarlari est importante pour Montréal ?

Marilène : Je pense que oui. Montréal est très ouverte à plein de groupes, mais un collectif de solistes, c’était nouveau. Ça apporte quelque chose.

CLH : Et le public à Montréal ?

Marilène : Ce que j’aime dans l’expérimental, c’est que ça rassemble les scènes francophones et anglophones. Contrairement à la musique classique où c’est assez séparé. C’est un beau mélange ici.

CLH : Quel est le lien entre improvisation et liberté ?

Marilène : C’est essentiel. En impro, j’ai envie de me sentir libre, mais aussi de connecter avec la liberté des autres. En musique écrite, c’est différent. Cette relation-là entre les libertés individuelles, c’est unique à l’impro.

CLH : Si tu devais supprimer un mot parmi composition, concept, improvisation ?

Marilène : Je dirais « concept ». Parce que parfois, le concept est juste un contenant vide.

CLH : Qu’est-ce qui rassemble les improvisateur·ices ?

Marilène : L’écoute. Le moment présent.

CLH : Et ce qui divise ?

Marilène : L’ego. Vouloir briller, jouer sa technique sans écouter… ça isole. Mais il ne devrait pas y avoir de division.

CLH : Ton son favori ?

Marilène : Les whistle tones à la flûte. Des sons doux, entrecoupés, organiques.

CLH : Une note spéciale pour toi ?

Marilène : Le do central. C’est la tonique, ça résonne bien. Satisfaisant.

CLH : Un intervalle particulier ?

Marilène : Peut-être la sixte. Majeure ou mineure. Elle me mélange, surtout selon comment on la pense, par en haut ou en bas, les renversements…

Bakarlari

https://linktr.ee/Bakarlari

Bakarlari est un collectif de solistes basé à Montréal, dédié à l’exploration de nouvelles sonorités et à la dissolution des frontières créatives. L’ensemble réunit des musicien·ne·s jouant d’instruments atypiques comme la clarinette, la trompette ou le tuba, avec l’objectif d’enrichir le répertoire contemporain pour instruments solistes.

Dirigé par la trompettiste Émilie Fortin, spécialisée en musique contemporaine et en improvisation libre, Bakarlari met l’accent sur la collaboration étroite entre interprètes et compositeur·rice·s. Le collectif s’est notamment produit à Toronto en mars 2020 dans le cadre de la série Emergents à la Music Gallery.

Pour suivre leurs projets et concerts à venir, consultez leur page Facebook : facebook.com/bakarlari

Raphaël Guay

CLH : L’EMIQ, est-ce qu’il y a une image sonore particulière ?

Raphaël : C’est une bonne question. Je dirais que c’est une question de densité sonore. Il y a une texture compacte. C’est comme une addition d’idées très différentes, compressées ensemble. Ça crée quelque chose d’assez unique.

CLH : Est-ce que c’est une commune, un collectif ?

Raphaël : Pour moi, c’est un truc ouvert. Du début, c’était comme ça : pas de portes fermées. C’est une mise en commun, accueillante.

CLH : Et Rémi, est-ce qu’il a fondé ça ?

Raphaël : Je pense que oui. À la base, c’était des activités communautaires, ouvertes à tous. Peu à peu, c’est devenu un ensemble musical à part entière. Ça a commencé par des ateliers, puis il y a eu des projets en dehors de ces ateliers.

CLH : Tu dirais que c’est une approche artistique ?

Raphaël : Oui, absolument. L’identité, c’est justement ce mélange : comment les musicien·nes expérimentés réagissent à des sons inattendus. C’est créatif, vivant.

CLH : Et ce n’est pas fatigant parfois, pour les musicien·nes plus expérimentés ?

Raphaël : Non. Peu importe de qui ça vient, chaque son est un défi. Mon travail, c’est de le magnifier, de lui donner un sens. Pour moi, c’est pas un problème. Le résultat change, mais le processus reste le même.

CLH : Est-ce qu’il y a un son typique de Québec, ou une vibration ?

Raphaël : J’ai pas vraiment réfléchi à ça… mais il y a quelque chose qui m’a toujours fasciné : le canon de la Citadelle, en haut de la ville. Quand il tire, les oiseaux partent, puis les cloches des églises répondent. C’est comme une séquence sonore particulière à Québec.

CLH : La géographie, ça influence la musique ici ?

Raphaël : Peut-être. Historiquement, il y a la haute ville, la bourgeoisie, et la basse ville, le peuple. Et c’est en bas que la musique improvisée se passe. En haut, c’est plus classique. Ça a probablement un effet sur les lieux, sur qui participe. C’est fort, cette séparation ici.

CLH : Est-ce que l’EMIQ est important pour la ville ?

Raphaël : Oui, je pense. Quand j’ai commencé, il n’y avait pas d’ensemble organisé comme ça. Ça donne un souffle, ça regroupe les gens. Avant, l’impro à Québec, c’était des petites initiatives isolées.

CLH : Et le public ici, il est différent de celui de Montréal ou Rimouski ?

Raphaël : Difficile à dire. C’est souvent les mêmes gens qui reviennent. Y’a un certain chevauchement avec d’autres scènes, mais pas complet. Peut-être 30 à 50 % se recoupent. Les gens qui viennent sont curieux·ses, ouverts. C’est pas le public typique d’un concert de musique contemporaine.

CLH : Tu dirais qu’il y a un rapport entre la musique improvisée et la liberté ?

Raphaël : Oui. Je pense que la musique improvisée montre que la liberté, c’est pas dangereux. C’est une démonstration forte de ça. Et certains ne peuvent pas rester. J’ai vu des gens quitter, trop émus ou déstabilisés. Mais pour ceux qui restent, ça casse des barrières. Et ça montre aussi que la liberté peut créer une communauté.

CLH : Si tu devais supprimer un des mots suivants : composition, improvisation, concept ?

Raphaël : Composition, je pense. Selon ma définition du mot, ce serait celui-là.

CLH : Qu’est-ce qui rassemble et qu’est-ce qui divise les musicien·nes dans l’EMIQ ?

Raphaël : Le sens de communauté rassemble. La volonté de faire quelque chose ensemble. Mais ce qui nous divise, c’est qu’on a tous des idées différentes sur ce que la musique devrait devenir. Et c’est aussi ça qui fait la richesse.

CLH : Est-ce qu’il y a parfois des tensions ?

Raphaël : Je les ai pas perçues. Peut-être que je suis naïf, mais j’ai pas vu de clans. Les gens ici sont très tolérants, je trouve.

CLH : Ton son favori ?

Raphaël : J’aime les métaux qui résonnent. En ce moment, c’est ça. Mais j’ai pas de son préféré fixe.

CLH : Et une note spéciale ?

Raphaël : Non, je pense pas. Je travaille en relatif, je m’attache pas à une note.

CLH : Un intervalle favori ?

Raphaël : La tierce mineure. Je trouve qu’on la boude trop souvent. Et avec les cloches, c’est un intervalle instable, parfois majeur, parfois mineur. Ça crée des couleurs magnifiques.

François Paquet

CLH : Y a-t-il une sonorité ou une image sonore propre à l’EMIQ ? Est-ce qu’on pourrait le reconnaître sur un enregistrement ?

François : Je pense que oui, et ça vient surtout de l’éclectisme des musicien·nes. On a des gens de backgrounds très différents : free jazz, classique, rock, performance, autodidactes ou ultra formés. Ce mélange-là colore vraiment le son. Ça change à chaque concert, parce que la formation varie tout le temps. Ce n’est jamais la même composition humaine, donc musicalement, c’est toujours nouveau et imprévisible.

CLH : Et malgré cette diversité, est-ce que ça donne une identité ?

François : Justement, c’est ça l’identité : l’absence de formule fixe. C’est ça qui rend la chose unique.

CLH : Qu’est-ce qui fait une bonne ou mauvaise soirée ?

François : Une bonne soirée, c’est quand on sent que les musicien·nes dialoguent vraiment. Mais même une soirée plus difficile peut être importante. Elle provoque des questions, des réflexions. L’auditeur·ices a aussi un rôle à jouer dans cette interaction.

CLH : Quelle est l’identité artistique de l’EMIQ pour toi ?

François : Pour moi, c’est un outil d’ouverture. C’est inclusif, ça donne accès à la musique improvisée, autant pour les musicien·nes que pour le public. Je le vois comme pédagogique, au sens de faire découvrir, pas de transmettre un savoir fixe. Même les musicien·nes expérimentés y apprennent quelque chose.

CLH : Et l’aspect collectif ?

François : C’est clair que Rémy est le moteur, mais c’est ouvert. Si je voulais organiser quelque chose sous le nom de l’EMIQ, je pourrais. Et avec musiquepasd’air, c’est complètement collectif, horizontal.

CLH : Y a-t-il une vibration, un son qui représente Québec pour toi ?

François : Pas un son précis, mais une ambiance : un calme bouillonnant. C’est une petite ville, mais il y a beaucoup de création. Ce n’est jamais oppressant, c’est à échelle humaine. Et même géographiquement, la distinction Haute-Ville / Basse-Ville a influencé l’organisation culturelle, même si ça tend à s’effacer.

CLH : Est-ce que l’activité d’EMIQ est importante pour la ville ?

François : Pour la grande ville, c’est marginal. Mais pour la communauté, c’est essentiel. Ça crée un espace de rencontre, ça nourrit le tissu social autant que musical.

CLH : Et l’audience à Québec, elle est différente ?

François : C’est une petite scène, très fidèle. À Québec, on connaît tout le monde. Il y a une proximité, une facilité de contact avec le public qui est très forte. C’est peut-être moins anonyme qu’ailleurs.

CLH : Quelle place a la liberté dans cette musique ?

François : Elle est fondamentale. La liberté de jouer, de ne pas jouer, de proposer ses propres règles. Même lorsqu’on se met des contraintes, c’est encore un acte libre. Et c’est ça qui rend cette musique pertinente.

CLH : Si tu devais supprimer un mot : composition, concept ou improvisation ?

François : Composition. C’est celui qui s’applique le moins à l’EMIQ.

CLH : Qu’est-ce qui rassemble ou divise les improvisateur·ices ?

François : L’écoute, c’est ce qui rassemble. Et ce qui divise, c’est quand deux idées musicales ne veulent pas se rencontrer. Mais même ça, ça peut être intéressant à explorer. La division n’est pas toujours négative.

CLH : Ton son favori ?

François : Un son long, grave, charnu… un son avec du corps.

CLH : Une note spéciale ?

François : Ré. C’est la seule que je pouvais reconnaître sans repère. Peut-être à cause de l’Art de la fugue de Bach.

CLH : Un intervalle préféré ?

François : La quinte juste. J’aime son côté creux, ouvert. Et en tant que guitariste, c’est un intervalle familier et central.

MMV5

CLH : Y a-t-il une image sonore de l’EMIQ, comme une signature reconnaissable ?

Mathieu 1 : Il y a souvent beaucoup de monde, chacun avec son instrument, sans que ce soit décidé par un chef·fes. Ça crée une couleur sonore particulière, un peu indéterminée, qui dépend de qui est là ce jour-là. Le roulement des gens fait partie de l’identité sonore.

Matthieu 2 : Même quand ce ne sont pas les mêmes personnes, ça sonne toujours comme le même groupe. Il y a une façon de jouer dans l’EMIQ, une écoute partagée. Les gens savent comment s’intégrer.

Mathieu 1 : Il y a aussi une grande diversité de participant·es, certains viennent de la musique classique, d’autres de la pop, d’autres sont improvisateur·ices ou amateurs. Ça donne des textures variées, parfois très maîtrisées, parfois plus brutes ou lo-fi. Pour ma part, j’aime prendre une place plus discrète et me laisser porter par ce qui se passe autour.

CLH : Donc, est-ce que la pratique de l’EMIQ permet à chacun de se présenter avec ce qu’il a à offrir ?

Matthieu 2 : Oui, c’est les gens qui font l’EMIQ. Quand j’y pense, je pense d’abord à des personnes, des visages. On joue ensemble juste dans ce contexte-là. Et quand de nouvelles personnes arrivent, ça s’intègre aussi facilement, même si le roulement est lent – Québec, c’est un grand petit village.

CLH : Est-ce que l’envie d’expérimenter agit comme un désir moteur?

Mathieu 1 : Toujours. Même si ce n’est pas dit explicitement, on vient là pour essayer. Comme quand on a joué avec une partition visuelle projetée, sans l’avoir vue avant. Il fallait lire, improviser, suivre la direction de Rémi. Très expérimental et formatif.

Matthieu 2 : On vient tous les trois des arts visuels. On adore se donner des contraintes pour stimuler l’improvisation. Et l’on continue de le faire avec l’EMIQ. Moi, je ne joue presque jamais deux fois le même instrument. J’aime toucher à tout, c’est comme ça que j’expérimente.

CLH : L’EMIQ est-il un collectif gouverné par un chef·fes ?

Vincent : Dans un grand groupe, c’est dur sans personne pour nous guider. Quelqu’un comme Rémi, aide beaucoup avec ses interventions. Il est instigateur du projet, mais la direction de celui-ci reste libre et ouverte.

Matthieu 2 : Quand il dirige, on sent qu’il cherche quelque chose. Et c’est agréable de participer à cette recherche.

Mathieu 1 : Il connaît bien les différentes pratiques des gens présents. Même quand un autre prend la direction – comme toi l’autre jour – c’est intéressant. Les contraintes peuvent venir de partout.

CLH : Y a-t-il un son typique de Québec ? Une vibration particulière ?

Matthieu 2 : Pas vraiment. Ce n’est pas comme une grande ville avec un bruit constant. Il y a des différences selon les quartiers.

Mathieu 1 : Il y a quelques années, on disait que Québec était la ville du métal. Il y avait beaucoup de spectacles dans des petits bars. Ça a diminué un moment, puis ça revient grâce à des gens comme Rémi et d’autres petits collectifs.

CLH : Est-ce important que l’EMIQ existe à Québec ?

Matthieu 2 : Oui. Ça crée des ponts entre différents milieux artistiques. Sans ça, chacun reste dans sa bulle – la musique, la poésie, les arts visuels ne se croisent pas tant que ça.

Mathieu 1 : Ça attire aussi des gens avec des modes de vie alternatifs et peut-être moins ceux qui ont un rythme de vis plus métro-boulot-dodo. Et ça permet à ceux qui n’oseraient pas forcément se confronter à un gros public d’aussi participer.

CLH : Et le public ?

Matthieu 2 : C’est souvent nous-mêmes ! Et nos ami·e·es. Mais aux gros événements, il y a plus de monde. Il y a des gens de tous âges, des curieux·ses, des habitués ainsi que des gens du milieu.

CLH : Qu’est-ce que la liberté dans cette pratique ?

Mathieu 1 : La liberté, c’est de pouvoir venir ou pas. Il n’y a pas d’obligation, pas d’exclusion. Ça, c’est précieux.

Vincent : Et quand tu viens, tu peux juste écouter, manipuler un objet, lire un poème. Tu n’as pas besoin de „montrer“ que tu es libre. C’est une liberté partagée, pas démonstrative.

CLH : Si l’on devait supprimer un mot : composition, improvisation, ou concept ?

Matthieu 1 : Composition !

CLH : Qu’est-ce qui rassemble les improvisateur·ices ?

Matthieu 2 : Le plaisir de jouer, de vivre un moment. Même si l’on ne se parle pas beaucoup avant ou après, on partage quelque chose. Comme un rituel.

Vincent : C’est comme aller à l’église. Tu viens, tu joues, tu parles un peu, puis tu pars. C’est ça, le lien.

CLH : Qu’est-ce qui vous „sort“ du jeu ?

Mathieu 1 : Parfois, quand quelqu’un prend trop de place. Mais ce n’est pas forcément négatif. Il faut juste savoir laisser l’espace vivre. Accepter de ne pas toujours être au centre.
Vincent : Trop de volonté ou de contrôle peuvent briser l’écoute. Moi, j’aime quand les choses fragiles émergent. Des sons qui naissent à peine ou sont sur le point de mourir.

CLH : Avez-vous un son préféré en ce moment ?

Mathieu 1 : Ces temps-ci, juste gratter doucement une corde, répéter le geste. Comme une médita

Fred Lebrasseur

CLH: Quel sonorité représente l’image sonore d’EMIQ?

Fred: J’entend un long son très dense en fréquence qui alterne avec des sons petits, variés et touffus.

CLH: Quel approche artistique fait l’identité du EMIQ?

Fred: l’ÉMIQ, fut créé par Rémy Bélanger de Beauport qui depuis, dirige l’organisation organique.
Son ouverture d’esprit et son désir de partager son art, comme de partager avec les divers types de musicien·nes, influence l’ensemble.
Des musicien·nes professionnels de la musique expérimental (ou improvisé, avangarde, actuelle…) comme des musicien·nes de classique, jazz, pop, rock qui ici s’exprime autrement. Ou encore des musicothérapeutes, des musicien·nes non professionnels qui jouent comme passe-temps ou même des enfants. Le tout basé sur l’improvisation et à géométrie très variable, de 5 à 35 personnes.

CLH: Est l’EMIQ un collectif?

Fred: On pourrait dire que oui. Rémy à presque toujours pris les rênes de l’ÉMIQ parce que quelqu’un devait le faire. Et il le fait si bien par la confiance que nous avons en lui, qu’il continue de le faire.

CLH: Quel bruit est typique pour Quebec?

Fred: Pour moi c’est le son de la grande cheminée (à gauche sur l’image) de l’usine la Daishowa inc ou Papiers White Birch.
Elle sonne comme un didgeridoo géant. On peut entendre sa note très grave, à des kilomètres, à l’intérieur d’un studio d’enregistrement!

CLH: La géographie et la societé içi, sont ils important pour la musique d’EMIQ?

Fred: C’est difficile à quantifier mais je suis sûr que oui. Les artistes de tous les arts s’influencent et s’inspirent entre eux.
Donc inévitablement l’architecture. Mais aussi l’environnement, l’hiver froid et très lumineux, la proximité du fleuve, une ville mais aussi de grands parcs comme les Plaines d’Abraham et…
Et le fait que divers gens de divers rangs sociaux (musicalement parlant) se rencontrent. Il y a beaucoup moins d’influence hiérarchique ici, qu’en Europe, par exemple.

CLH: Est l´activité d’EMIQ importante pour Quebec?

Fred: Je trouve que oui. Car en tout, je pense qu’il y a eu une cinquantaine de participant·es à l’ÉMIQ.
Déjà, juste pour nous qui y jouons c’est très important, ca nous permet un espace ludique pour converser, expérimenter et croiser nos chemins.
De plus, l’ÉMIQ ouvre beaucoup de portes aux nouveaux musicien·nes, leur donnant de l’expérience, une vitrine et des outils en improvisation.
Et aussi, le paysage artistique de Québec en est que enrichie par cette diversité sonore comme humaine.

CLH: L’audience ici, est-il différente d’autres audiences de la musique improvisée?

Fred: Difficile à dire, bien sûr si on compare à Montréal, il y a moins de population dans la ville de Québec mais il y a sûrement moins d’évènements d’improvisations.
Je pense que ca ressemble aussi, dans le sens que c’est un mélange d’habitué de la musique expérimentale et de quelques curieux·ses néophytes mais ouvert d’esprit.

CLH: Est ce qu’il y a un rapport entre la musique d’EMIQ et la liberté?

Fred: Oui. Je trouve que le fait que plein de monde de divers horizons crées ensemble, ça donne beaucoup de liberté.
Aussi Rémi, qui est notre „guide·s“ essaye de respecter les envie de liberté de chacun de nous.
Pour sûr, moi je me sens très libre.

CLH: S’il fallait supprimer un de ces trois termes, c’était lequel pour toi?

Fred: Composition. Improvisation. Concept.
Surement „Composition“ meme si pour moi l’improvisation c’est de la composition en instantané.
Car ensemble on parle plus d’improvisation et de concept.

CLH: Qu’est-ce qui rassemble les improvisateur·ices et qu’est-ce qui les divise.

Fred: La liberté qu’offre l’ÉMIQ, ce désir de s’exprimer dans la spontanéité, entre créateur·ices de tout acabit nous rassemble.
Avec l’ÉMIQ nous somme libre d’aller jouer ou pas, on pourrait dire que ce qui nous divise, ce sont nos horaires ou juste si ça nous tente pas de jouer un soir?
Avec l’ÉMIQ je ne sens pas trop de divisions.
Avec d’autres ensembles, peut-être que les choix d’esthétique ou les façon d’improviser, divise les joueur·euses.
Certains ne jouent qu’avec ceux qui connaissent extrêmement bien le langage jazz, d’autres ne jouent qu’avec les bruitistes et ainsi de suite.

CLH: Quel est ton bruit ou son favori?

Fred: Quand la radio n’arrive pas à syntoniser qu’un seul poste mais en mixe 2 a la fois.
Ça crée de la musique magnifique.

CLH: Ta note favori/une note speciale pour toi

Fred: la „Brown note“

CLH: ton interval favori / un interval special

Fred: l’interval entre 2 silences, un par rapport à l’autre.
Un silence radio et un silence de mort.

CARTOGRAPHIE – Origins: Quebec 2025

eine musikalische Forschungsreise zur Improvisierten Musik in Quebec

Im März und April 2025 besuche ich Rimouski, Quebec und Montreal um mit den dort ansässigen Ensembles GRRIL, EMIQ, Bakarlari, SuperMusique zu arbeiten und zu erfahren, was ihr spezifischer Ansatz der Improvisation ist. Die Ergebnisse meiner Reise fließen in ein Konzert, das mit Mitgliedern aus allen genannten Ensembles in der Chapelle St.Hilda, in Montreal, aufgeführt wird.

Kling Improvisation in Rimouski anders als in Quebec oder Montreal? Wie wird sie eingesetzt, nur pur oder als Strategie. Sind die Improvisierenden kreative Interpreten oder Puristen der freien Improvisation. Wie unterscheiden sich die Ensembles GGRIL, EMIQ, Bakarlari und SuperMusique von einander.

Im Blog findet Ihr Interviews mit Musiker*innen aus den Ensembles

GGRIL, Eric Normand

CLH : Quelle est la sonorité du GGRIL ?

Éric : Il y a quelque chose d’un cirque et d’une fanfare. C’est bruyant, collectif, sans quête de soliste. C’est une force et parfois une contrainte. Le groupe est hétéroclite, avec des musiciens professionnels et d’autres non. Il faut toujours trouver un équilibre dans l’approche, sinon on risque de perdre des membres. Le GGRIL évolue selon ceux qui s’y investissent, qui proposent des projets et influencent la direction musicale.

CLH : Le GGRIL est-il un collectif ? Qui est le chef ?

Éric : En théorie, il n’y a pas de chef. Mais en réalité, les prises de décisions créent un leadership naturel. Si personne ne décide, rien ne se passe. J’ai pris ce rôle à certains moments, puis je me suis effacé. D’autres, comme Isabelle, Rémy ou Clarisse, ont été très impliqués à différentes périodes.

CLH : Peut-on parler de catalyseurs plutôt que de chefs ?

Éric : Oui, c’est souvent par les choix artistiques que le son du groupe est orienté. Le GGRIL mélange des autodidactes et des musiciens académiques, des guitares électriques et des instruments bricolés avec des cordes classiques. Ce contraste fait partie de l’identité du groupe.

CLH : Y a-t-il un son typique de Rimouski ?

Éric : La mer. Elle peut être calme ou puissante. Le vent et le bruit blanc de l’hiver influencent aussi notre écoute. Dans la neige, certaines fréquences ressortent différemment. Ce sont des sons physiques qui me touchent profondément.

CLH : Cette présence de la mer et du vent s’imprime-t-elle dans votre musique ?

Éric : Oui. Quand on travaille en studio, on sort, et là pfffffffff. Ces sons nous habitent forcément.

CLH : Votre activité est-elle importante pour Rimouski ?

Éric : Oui, le GGRIL existe depuis 20 ans et a vu plusieurs générations de musiciens passer. Quand on a commencé, le conservatoire n’avait aucune ouverture pour ces musiques-là. Maintenant, ils n’ont plus le choix.

CLH : Le public ici est-il différent d’ailleurs ?

Éric : Globalement, c’est toujours 30 personnes partout dans le monde. Mais depuis la COVID, c’est plus difficile. En Europe occidentale et aux États-Unis, le public vieillit, alors qu’en Europe de l’Est, il y a encore beaucoup de jeunes. À Rimouski, c’est plus difficile à cerner, on a vu tellement de vagues différentes.

CLH : Dans les petites villes, les spectateurs ne sont pas forcément des musiciens spécialisés…

Éric : Oui, c’est un public plus diversifié. Il y a des habitués qui viennent souvent mais n’écoutent jamais ce genre de musique chez eux.

CLH : As-tu remarqué des différences dans le public ailleurs ?

Éric : Une fois à Helsinki, j’ai joué devant un public entièrement masculin, presque tous blancs. La musique improvisée reste encore un milieu peu mixte, même si ça évolue lentement.

CLH : Quel est le lien entre le GGRIL et la liberté ?

Éric : La liberté est un grand mot. Beaucoup croient que liberté = chaos, mais au contraire, l’improvisation exige de l’écoute et une forme de discipline collective. La vraie liberté, c’est pouvoir faire des choix, pas juste jouer n’importe quoi.

CLH : Si tu devais supprimer un des trois termes – composition, improvisation, concept – lequel choisirais-tu ?

Éric : Composition, même si on en fait beaucoup.

CLH : Où est la frontière entre improvisation et concept ?

Éric : C’est flou. Quand on définit des règles de jeu, on crée un cadre. C’est comme un match de baseball : on connaît les règles, mais pas le score final. Plus les règles sont claires, plus on peut s’exprimer librement.

CLH : Qu’est-ce qui unit les improvisateurs ? Et qu’est-ce qui les divise ?

Éric : Ce qui nous unit, c’est l’habitude. Quand on tourne plusieurs jours d’affilée, une énergie s’installe. Avant, on répétait tous les mois, maintenant c’est plus sporadique. Ce qui nous éloigne ? Le professionnalisme. Tout le monde doit courir après les cachets, trouver des contrats, composer pour des films. Jouer pour le plaisir devient rare, sauf si on a un financement.

CLH : Quel est ton son préféré ?

Éric : Étonnamment, j’adore les sons très aigus et tenus, comme les ondes sinusoïdales ou les piccolos. Ils ont une résonance physique, presque hypnotique.

CLH : Une note spéciale ?

Éric : Pour moi, en tant que bassiste, c’est le 60 Hz , le la grave de l’électricité. Quand j’étais en Australie, où la fréquence est à 50 Hz, ça me déstabilisait ! J’ai même composé une pièce autour de cette fréquence.

CLH : Un intervalle favori ?

Éric : La quinte diminuée.

LUX


CLH : Quelle est l’identité sonore de l’EMIQ selon toi ?

Lux : Pour moi, qui n’ai pas une grosse formation musicale, c’est une question de liberté, d’écoute et de respect des sons proposés. Il y a quelque chose de très joueur·euses, décomplexé. Ce n’est pas snob, donc très ouvert. Tu peux faire partie de la musique même si tu n’es pas un grand musicien·nes, tant que tu écoutes, que tu respectes, que tu ne veux pas briller plus que les autres. Rémy parle souvent de vibe — je trouve que c’est exactement ça : respect, joie, écoute.

CLH : C’est un collectif ? Une communauté ?

Lux : C’est un ensemble, mais aussi un peu tout ça. Des gens de divers horizons qui se rassemblent par amour pour la musique improvisée. Pour la plupart, ce n’est pas une carrière, c’est une passion. L’impro est encore jeune à Québec. Et les décisions, c’est très organique, pas de hiérarchie stricte.

CLH : Et l’organisation derrière tout ça ?

Lux : Il y a l’organisme Musique Pas d’Air — jeu de mots, bien sûr — qui regroupe les artistes autour de l’EMIQ. C’est un peu underground. Rémy fait beaucoup, mais chacun contribue. Moi, je viens d’intégrer Musique Pas d’Air, mais je joue avec l’EMIQ depuis deux ou trois ans.

CLH : Québec a-t-elle un son particulier pour toi ?

Lux : Oui, c’est un poème urbain. Des bruits de machines, de vitres qui cassent, de construction constante. Il y a cette sensation de mouvement, de création/déconstruction continue.

CLH : Et la géographie de la ville ? Le fleuve, la forme ?

Lux : Oui, Québec est comme une bulle. Pas complètement fermée, mais enveloppée. Ça influence l’énergie. C’est un point de passage : les musicien·nes arrêtent ici entre Montréal et Toronto, ou en revenant d’Europe. Musique Pas d’Air offre même l’hébergement parfois — c’est très punk, autogéré, chaleureux.

CLH : Est-ce que l’activité de l’EMIQ est importante pour Québec ?

Lux : Je ne pense pas que la ville en soit consciente. C’est encore marginal. Mais pour ceux qui participent, c’est vital. Et ça commence à s’imprimer, doucement. Québec est conservatrice au niveau culturel, mais ça change. On atteint plus de monde en croisant les genres, en intégrant poésie, danse, etc. C’est une passerelle.

CLH : Et le public ?

Lux : Très restreint, souvent un cercle d’initié·es. Mais ça pousse vite. Il y a un engouement naissant. Il faut amener les gens avec ce qu’ils connaissent, pour leur faire découvrir l’impro.

CLH : Quel rapport vois-tu entre musique improvisée et liberté ?

Lux : L’EMIQ est conduit de façon très libre. Hier, c’était une première (pour moi) d’avoir une direction comme un chef·fes d’orchestre. Normalement, c’est le chaos, le jeu. Il y a une liberté dans ce chaos. Un objectif atteint sans en être conscient. C’est enfantin, mais pas immature — c’est libre.

CLH : Si tu devais supprimer un des mots : composition, concept, improvisation ?

Lux : Composition.

CLH : Qu’est-ce qui rassemble les improvisateur·ices·ices ?

Lux : Le besoin de briser l’isolement. Jouer ensemble, c’est sortir de sa bulle, créer une énergie commune, sans jugement. On se prend comme on est, égal à égal.

CLH : Et ce qui peut diviser ?

Lux : Peut-être la pensée. Quand on commence à trop penser, à se comparer, on se déconnecte. Mais quand ça marche, on est juste dans l’émotion, dans la résonance. Il n’y a plus de séparation.

CLH : Ton son favori ?

Lux : L’instant juste entre le bruit intense et le silence. Ce moment où tout s’arrête, mais ça résonne encore. C’est ça qui me fait flotter.

CLH : Une note spéciale ?

Lux : Mi.

CLH : Un intervalle préféré ?

Lux : Do–Mi–Sol. L’accord majeur de base. Sur le piano, c’est simple mais fort.